Xanadu [Saison 1]
Depuis 35 ans dans l’entreprise Xanadu, pornographie et famille cohabitent dans le même lieu sans jamais se téléscoper : au rez-de-chaussée du manoir, l’entreprise de production de films X, et dans les étages la famille Valadine. Mais alors qu’on célèbre la mémoire d’Elise Jess, pornostar fulgurante des années 1980 et épouse du patriarche Alex Valadine, un accident tragique change la donne. La page libertaire se tourne, Xanadu peine à prendre le virage du XXIème siècle et la famille ne dissimule plus ses fêlures. Alex laissera-t-il enfin ses enfants prendre le relais ?
Pourquoi les meilleures séries françaises à l'heure actuelle sont celles qui parlent de cul, de près ou de loin ? Hard, c'est drôle. Pigalle, c'est envoûtant. Xanadu, c'est fascinant. Maison Close, hum... c'est l'exception qui confirme la règle. Le sexe ayant toujours été le nerf de la guerre, Canal + et maintenant Arte ont bien compris qu'une paire de fesses par-ci, un bout de sein par-là, ça attirait le regard et ça assurait un minimum de presse sans faire trop d'effort. Pour le reste, il suffit de faire confiance aux bons scénaristes et aux bons réalisateurs. Là-dessus, Haut et Court, qui produit la série, a fait un pari fou : associer une scénariste de Coeur Océan (Séverine Bosschem) à un réalisateur du Loup-Garou du Campus (Podz). Et la magie a opéré ! Bon, si j'étais parfaitement honnête, je préciserai que la première a aussi travaillé sur Reporters et le second sur Minuit le soir. Là, déjà, on se sent plus en confiance. Alors oui, Xanadu ça parle de sexe et ça en montre, mais pas que(ue).
Petits coquins et/ou pervers bien décidés à se rincer l'oeil devant la série, soyez prévenus : vous ne ressortirez certainement pas du visionnage de cette première saison émoustillés voire excités. Déprimés ? C'est bien plus probable ! Et si vous êtes vraiment sensibles, éloignez vous des cordes, des boîtes de somnifères et des rasoirs : Xanadu, c'est un voyage au bout de l'enfer. La vision de la pornographie qui est ici présentée est tout sauf optimiste. Je crois même qu'il n'y a RIEN de positif. Dans cet univers singulièrement trash et glauque, la violence est reine et se décline sous toutes ses formes : elle est physique, sexuelle, morale et psychologique. Au détour d'un épisode, vous assisterez à un viol, ou deux, ou trois, à une fusillade (et la scène est intense et choquante), à une tentative de noyade dans un bol de céréales (et pourquoi pas ?) et à tant d'autres événements que je vous laisse le soin de découvrir et d'apprécier si vous avez le coeur bien accroché. Chaque personnage est dans une impasse où l'espoir est permis mais illusoire. Certains sont résignés, d'autres y croient encore. A la question "Sont-ils attachants au moins ?", je répondrais que oui, ils le sont. Pas tous et pas tout le temps mais nombre d'entre eux et souvent. Je crois qu'il n'y a qu'Alex Valadine le patriarche autoritaire et borné qui m'est sorti par les yeux du début à la fin. Il en fallait bien un. Le personnage de Julien Boisselier est sans doute l'un des plus intéressants car il est celui qui offre à la série une dimension onirique et une certaine folie, dans tous les sens du terme. Laurent, qui aurait pu et dû être le héros, est malheureusement rapidement étouffé par les autres. C'est d'ailleurs un des plus grands défauts de la série : ils sont trop nombreux. Cela ne les empêche pas d'être pourvus de portraits approfondis dans la plupart des cas où chacun a son heure de gloire, mais leurs apparitions/disparitions à répétition sont décourageantes et frustantes. Je pense notamment à Brandon Hard On (fallait y penser !), très présent dans les premiers épisodes avant de disparaître sans explications puis revenir de manière anecdotique. Je ne vais pas vous parler de chacun d'entre eux mais sachez qu'il existe un mini fil-rouge, pas très passionnant, autour de la disparue et très regrettée Elise Jess. Et je tenais à mentionner le personnage de Vanessa Body, incarné par Vanessa Demouy, qui apporte un peu de comédie bienvenue lors de son arrivée, avant de sombrer, lui aussi, dans les noirceurs de l'âme.
La proposition visuelle de Xanadu est unique, remplie de flous artistiques, qui perturbent au premier abord mais auxquels on s'habitue finalement, et de gros plans sur les corps et sur les visages qui étouffent, qui opressent mais qui s'accordent parfaitement au propos. Le montage, est, pour moi, la plus grande réussite de la série. Il est complexe, il est touffu mais il donne un rythme qui permet de ne jamais s'ennuyer, même quand il ne se passe pas grand chose. Les musiques sont sublimes et soulignent les émotions avec sobriété. Les dialogues manquent peut-être d'un peu de mordant, mais ils tiennent la route. Au-delà donc de son scénario parfois inégal et brouillon, Xanadu a su créer son identité propre en ne s'interdisant rien, sans jamais se censurer. Elle ne ressemble à aucune autre série, française mais même anglaise ou américaine.
Xanadu, c'est un peu la Mylène Farmer de la télévision : elle pourrait être réduite à ses allures provocantes et sa mine et sa chair tristes, très tristes, mais ce serait nier sa sensibilité exarcerbée et sa profondeur immense.
La chaude bande-annonce :