Ainsi Soient-Ils [Saison 1]
Saison 1, 8 épisodes // 1,2 millions de téléspectateurs en moyenne
Septembre 2011, Paris. Cinq jeunes candidats à la prêtrise sont sur le point de changer radicalement de vie. En entrant au Séminaire des Capucins, ils vont apprendre à suivre la voie de Dieu et devenir ses ministres. D’où viennent-ils ? Quelles expériences de joie, de douleurs ont-ils vécu ? Autant de questions qui hantent le Père Fromenger, directeur légendaire du Séminaire, et son dévoué bras droit, le Père Bosco, lorsqu'ils accueillent José, Raphaël, Yann, Guillaume et Emmanuel dans leur nouveau monde.
En partageant leurs espérances, leurs doutes, leurs épreuves quotidiennes, nous découvrons un monde fascinant, mystérieux, l’Eglise, qui nous mènera jusqu’au Vatican et ses coulisses politiques. Une plongée haletante dans un univers secret.
Pardonnez-moi mon Père, mais j'ai péché. Il ne faut pas jurer, je le sais, mais je vous le jure pourtant : j'étais prêt à défendre de tout mon coeur et de tout mon être Ainsi Soient-Ils, cette nouvelle tentative ô combien honorable d'Arte de relever le niveau de la fiction télé française. Et Dieu sait qu'elle en avait besoin. Je le confesse, le premier épisode, si prometteur, avait fait monter en moi un désir presque inédit. J'en voulais encore. Plus. Tout de suite. Rapidement, alors que je soulageais mes envies grâce aux épisodes suivants, le doute a commencé à m'habiter. Puis le doute a fait place à la colère. Et la colère à la résilience. Ainsi Soient-Ils n'est pas le bijou que j'attendais, pas la série magistrale que j'espérais. Mais elle a le mérite d'exister, elle. Elle a réussi occasionnellement à me faire vibrer, c'est vrai. Et je suis prêt à lui pardonner ses péchés. Mais laissez-moi d'abord vous les exposer.
En préambule, par souci d'honnêteté, je me dois bien entendu de rappeller combien il était casse-gueule et osé de se lancer sur un tel sujet, et combien il était risqué pour la chaîne et les producteurs de faire ce pari, qu'ils ont d'ailleurs réussi audimatiquement parlant grâce à une promotion efficace. Si la série est si fascinante dans ses premiers instants, c'est parce qu'elle nous raconte une histoire, des histoires devrais-je dire, singulières et inédites. Elle nous fait entrer dans un monde qui nous est étranger, qui répond à des codes bien spécifiques qu'il faut apprivoiser, mais jamais elle ne nous prend de haut. Elle nous accompagne dans cette découverte, nous prend la main et nous ouvre son coeur. De tous les parcours qu'elle nous propose de suivre, celui d'Etienne Fromenger, le Père en chef du Séminaire des Capucins, est le plus abouti et le plus puissant, jusque dans les dernières minutes du dernier épisode. C'est le moins manichéen aussi. Cet homme de foi n'est pas un Saint. Il a fait des erreurs par le passé et il en paye plus que jamais le prix aujourd'hui. Il est orgueilleux, certes, mais il est terriblement attachant. S'il ne fallait retenir qu'une prestation dans Ainsi Soient-ils, ce serait celle de Jean-Luc Bideau, naturellement charismatique malgré un sens du dramatique dans la voix un peu trop poussé. Son acolyte et second, le Père Bosco, devenu progressivement un traître, n'a pas tenu toutes ses promesses mais s'est transformé en un antagoniste de choix, détestable parfois, rongé tant par la maladie que par l'ambition et l'arrogance. Le ciel semblait sans cesse lui tomber sur la tête, d'où un sentiment de lourdeur procuré par l'interprétation de Thierry Gimenez, trop théâtrale. Le Père Cheminade, le professeur d'hébreux, est la caution comique au sein du Séminaire. On le voit peu mais il est toujours de bon conseil. La soeur Antonietta, seule présence féminine, aurait mérité qu'on lui accorde un plus grand rôle. Elle se contente ici de dire quelques âneries de temps en temps et elle s'acharne à ne pas exister. Le tableau des "adultes" est complété par l'incroyable Michel Duchaussoy -mort depuis et qui manquera énormément à la saison 2- dans le rôle de l'éminent Monseigneur Roman, le représentant des évêques de l'Eglise de France honoré par le Pape, qui a pris pour cible Fromenger. Leurs face à face, rares, sont toujours très intenses. Le premier est d'ailleurs le point culminant du premier épisode, comme le dernier celui du dernier épisode. J'aime à dire que Duchaussoy est à Ainsi Soient-Ils ce que Maggie Smith est à Downton Abbey. Ses apparitions se ressemblent mais sont toujours jouissives. Ce sont deux vieilles peaux remplies de haine qui ne manquent d'humour en aucune circonstance. Mais, au-delà de ça, il est le point d'entrée vers la partie la plus ambitieuse de la série, curieusement la plus réussie et sans aucun doute la plus fascinante aussi, celle qui nous entraîne dans les arcanes du pouvoir religieux, de Paris jusqu'à Rome. Lors de ces passages-là, la série atteint des sommets, même si tout n'est pas toujours limpide et qu'il manque aux non-initiés comme moi quelques clés pour comprendre tous les tenants et tous les aboutissants.
Mais la raison d'être de la série, son argument le plus commercial, son attrait principal auprès des jeunes et ce qui m'avait personnellement le plus intrigué dès que le projet a été annoncé, est malheureusement son plus grand échec. C'est du parcours de ces cinq candidats à la prêtrise que j'imaginais le plus d'émotion et le plus de profondeur. Ma déception est à la hauteur de mes attentes. Les scénaristes n'ont pas réussi à rendre ces héros aussi attachants qu'ils auraient dû l'être. Ils ne sont pas parvenus à en faire des personnages complexes. La plupart d'entre eux se réduisent à une problèmatique basique, qui n'est jamais dépassée ni transcendée. Ainsi, Yann, le scout breton prude et naïf restera tout du long... prude et naïf. J'ai cependant beaucoup de sympathie pour lui. Sa sensibilité m'a touché. Et ses passages "musicaux" étaient divertissants, tout comme nombre de ses répliques. La chanson "Mademoiselle ne pense qu'à mon cul (...)" trotte encore régulièrement dans ma tête. Une sorte de plaisir coupable... José, l'ex-taulard en plein repenti, m'a séduit grâce au jeu de Samuel Jouy, de loin le plus juste de la bande. Toutefois, le personnage s'est perdu sur la fin de la saison dans cette histoire de sans-papiers guère passionnante et clichée, dont les enjeux ont été mal définis dès le départ et qui n'a réussi que dans la dernière ligne droite à susciter un quelconque intérêt. Mais c'était déjà trop tard. Il méritait mieux, c'est certain. Heureusement, la façon dont la saison se termine pour lui est particulièrement réussie. José a souvent été associé à Raphaël, en jouant sur une opposition riche/pauvre facile et stérile. Mais il s'agit probablement des deux seuls personnages dont il ressort une amitié crédible au bout du compte. Le groupe est finalement assez peu souvent réuni, sauf dans le très bon épisode de noël, et quand ils le sont, ça sonne un peu faux. Je pense notamment aux scènes chez Guillaume, tôt dans la saison, qui voulaient nous imposer une amitié qui ne pouvait pas déjà exister après si peu de temps. De la même manière, et c'est certainement le plus gros raté de la saison, l'histoire d'amour entre Guillaume et Emmanuel sort de nulle part dans le 5ème épisode. Dès le 6ème, Emmanuel assure même que Guillaume est la personne qu'il aime le plus au monde ! C'est proprement hallucinant. David Baïot, dont le jeu est déjà très fragile en temps normal, n'est absolument pas convaincant dans les moments d'intimité entre les deux personnages. La chasteté de ces passages est d'ailleurs regrettable. Le contraste entre l'engagement des deux garçons auprès de Dieu et des scènes de sexe aurait été du plus bel effet et aurait donné bien plus de force à l'intrigue. Bref, on ne croit pas du tout à leur histoire. J'en suis extrêmement déçu. On notera que Guillaume, en dehors d'Emmanuel, est en plus relativement inexistant. Je termine par Raphaël, un personnage qui me plaisait bien au départ, mais dont l'héritage familiale a pris beaucoup plus de place qu'il ne fallait. Le suicide de son frère était une excellente idée -très mal mise en scène en revanche- et a permis de provisoirement relancer l'intrigue mais l'ennui a vite repris sa place. Je retiens quand même la prestation très correcte de Clément Roussier (même s'il me fait vraiment trop penser à Patrick Bruel quand il était jeune, y compris dans la voix). En fait, je pense que la série aurait vraiment gagné à se structurer différemment en consacrant un épisode à un personnage, éventuellement en faisant appel à des flashbacks, et en intégrant les autres séminaristes au récit. C'était le seul moyen d'approfondir chaque portrait et d'atteindre, peut-être, ce but : nous expliquer comment ils en sont arrivés là, pourquoi ils ont choisi d'entrer au Séminaire. Car, au fond, au terme de la première saison, je ne le sais toujours pas (sauf dans le cas d'Emmanuel, qui dit lui même avoir inconsciemment cherché à se cacher) et ça me chagrine.
// Bilan // Ainsi Soient-Ils a beau être indiscutablement l'une des séries françaises les plus réussies de ces dernières années -plus ambitieuse sur le fond que sur la forme- elle est loin, très loin, d'être divinement parfaite. On rêvait d'un chef d'oeuvre, on a eu le croquis de ce qui aurait pu en être un.
Qu'il en soit ainsi. Amen.