Smash [Saison 1]
Saison 1 // 6 730 000 tlsp. en moyenne
Si j'ai bien compris, il est de bon ton de dire beaucoup de mal de Smash après en avoir dit beaucoup de bien. Me voilà sacrément embêté : j'avais adoré le pilote (la preuve), dois-je dire que la suite m'a déçu et, qu'en fait, Smash est une mauvaise série ? Désolé, mais ça ne va pas être possible ! Je peux reconnaître à la limite que la série musicale n'est pas la perfection incarnée et qu'elle n'a pas atteint la grandeur espérée mais qu'elle est mauvaise, qu'elle s'est vautrée dans la fange, qu'elle ne méritait même pas une saison 2, certainement pas ! Je crois que ce que la plupart des téléspectateurs ont découvert avec horreur en cours de route, c'est que Smash est un soap opera déguisé en série "quali". Ou une série "quali" qui utilise les ressorts dramatiques classiques du soap opera : rencontre - amour - sexe - trahison - vengeance. Sauf que ce serait très injuste de la réduire à cela...
La qualité première de cette saison inaugurale, et qui est à mon sens la plus importante et le plus gros défi auquel elle était confrontée aussi, c'est celle d'avoir réussi à nous montrer les différentes étapes de la préparation d'une nouvelle comédie musicale de Broadway avec panache, fluidité et ce qui ressemble à de l'authenticité. C'est un gage de qualité que la créatrice et showrunner Theresa Rebeck ne pouvait qu'apporter vu son expérience dans le milieu. Je crois que de ce point de vue-là, Smash a fait un sans faute : des phases de casting aux premières répétitions, en passant par les problèmes de financement, les conflits d'ordre artistique, les previews et tellement plus encore, on a été immergé en coulisses aux coté de tous ces gens talentueux, producteurs, compositeur, parolier, metteur en scène, chorégraphe, acteurs, chanteurs, danseurs, techniciens (bon ok, eux se sont faits plus discrets)... On a vécu leurs galères, leurs crises de foi et leurs joies de l'intérieur. Ca, c'était absolument passionnant, instructif et réjouissant ! Les réunions de crise par exemple étaient de super moments, de même que la complicité indéfectible entre Julia et Tom. L'entrée en scène d'une "movie star" incarnée par Uma Thurman (excellente mais vraiment pas faite pour interpréter Marilyn) a permis de bousculer le désordre déjà bien établi au cours des derniers épisodes avec brio. Rebecca Duvall ne correspondait pas exactement au cliché de la diva auquel on pouvait s'attendre. Une bonne surprise, donc. Sa sortie, très discréte, était toutefois nécessaire pour avancer. Elle n'était qu'une distraction, un obstacle, avant de passer aux choses sérieuses et relancer la rivalité entre nos deux héroïnes, Karen et Ivy, après quelques moments de complicité certes très amusants, comme la nuit alcoolisée sur Time Square, mais forcément passagers.
Etes-vous plutôt Team Karen ou Team Ivy ? Les fans se sont divisés en deux camps et j'ai choisi pour ma part celui de la blonde pulpeuse, à la base parce qu'elle me semblait être l'incarnation de Marilyn la plus fidèle, ensuite parce que c'est celle dont le parcours m'a le plus touché. Sans compter mon penchant naturel pour les garces. Et clairement, elle en est une belle, surtout dans les deux derniers épisodes ! Mais ce n'est pas la bitch que l'on adore détester, c'est la bitch qui fait un peu pitié dans le fond et que l'on a envie de réconforter quand les lumières s'éteignent. On oublie souvent qu'on ne naît jamais vraiment bitch mais qu'on le devient. Et c'est sa transformation à laquelle on assiste. A force de se prendre des claques dans la tronche et de toutes parts (sa mère, Derek...) elle réplique. Elle n'est pourtant pas à l'aise avec ses choix et plonge peu à peu dans la solitude et une détresse infinie. Son acte désespéré dans le final la rapproche forcément de Marilyn. Il arrive parfois qu'un acteur finisse par mélanger sa propre vie et son rôle, surtout quand il s'agit d'un torturé, ici d'un mythe. Ivy illustre parfaitement cette dérive, cet abandon de soi-même. J'essaye de vous convaincre, en gros, qu'elle est mille fois plus complexe et donc intéressante que cette chère innocente et douce Karen, qui n'a finalement pas vécu grand chose, qui a eu beaucoup de chance même si tout le monde n'a pas été tendre avec elle, même si tout n'a pas été simple, et qui termine la saison en gagnante, par K.O. Attention, je ne la déteste pas ! Elle a également su me toucher régulièrement. Mais j'ai du mal à comprendre comment le public peut être à ce point hypnotisé à chacun de ses passages sur scène (d'autant que Katherine McPhee a beau être extrêmement douée, c'est dans le domaine de la pop qu'elle est le plus à l'aise). Je comprends davantage la fascination qu'elle peut excercer sur Derek, d'autant que, contrairement à Ivy, elle a toujours refusé jusqu'ici de s'offrir à lui. Si elle avait accepté ses avances dès les premiers instants, il ne brûlerait plus de désir pour elle depuis longtemps...
Si Karen et Ivy ont été très présentes pour des raisons évidentes tout au long de la saison, plusieurs personnages de cette large distribution ont su tirer leur épingle du jeu, à commencer par Derek. Tout était fait pour qu'on le déteste, cet homme-là, et pourtant, on s'est attaché à lui. Je ne peux pas dire que je l'adore et son comportement a souvent laissé à désirer mais on ne peut qu'admirer, au bout du compte, toute l'étendue de son talent. Il est odieux, comme les plus grands génies. On lui fait confiance. Ellis, c'est un peu tout l'inverse. Il n'a pas de talent artistique particulier à notre connaissance mais il est un manipulateur hors-pair ! C'est ça son talent finalement, ainsi que celui de jouer avec nos nerfs. Bien des complications ont eu lieu à cause ou grâce à lui. Il est un moteur scénaristique indéniable et je vois mal les auteurs s'en passer en saison 2. Ce qui serait super, par contre, c'est de ne plus le limiter à ses sales coups et de nous le montrer sous un jour différent car il ne peut pas être que le Diable. Eileen, de son coté, est un excellent personnage qui a connu une belle évolution au fur et à mesure mais que l'on aimerait plus souvent voir taper du poing sur la table, autrement qu'avec son ex-mari. Elle a eu quelques coups de sang mais ce n'est pas encore assez à mon goût. Trop souvent, on nous l'a montré avec son petit ami un peu voyou sur les bords, comme une gamine de 12 ans fascinée par le danger. Je trouve que c'est réducteur pour le personnage et réducteur aussi pour Anjelica Huston qui a plus à offrir, assurément. Toujours est-il que dès qu'elle entre en scène, elle dégage un charisme énorme et plus rien d'autre n'existe qu'elle.
Et il me faut maintenant entrer dans le vif de la polémique : y'a-t-il eu trop d'histoires de coeur développées dans la première saison de Smash, au détriment d'intrigues plus importantes touchant à la comédie musicale en elle-même ? Il est vrai que les rapports humains dans la série ont trop souvent été réduits à des rapports amoureux et/ou sexuels, amicaux de temps en temps, mais pas bien plus. Karen et Dev ont systématiquement gâché l'ambiance avec leurs scènes répétitives et leurs dialogues identiques épisode après épisode. Mais ça, franchement, on le sentait venir dès le pilote et ça n'a pas raté. Entre Julia et son mari, et le fameux Michael Swift qui était à frapper par moment, il y avait un peu plus de place pour la nuance. C'était un peu ennuyeux parfois, on tournait trop en rond, mais il en est toujours ressorti de belles émotions, notamment avec le fils, Leo. Il n'a pas été atteint de la malédiction habituelle de l'ado insupportable et tête à claque, fils de l'héroïne. Debra Messing, de son coté, a été géniale. Comme prévu. Les affaires sentimentales de Tom ont été largement traitées mais pas avec le soin que j'attendais. Le personnage ne m'a pas inspiré beaucoup de sympathie. Il a traité John comme une merde, et son histoire avec Sam est mignonnette mais elle ne fait chavirer personne, il me semble. Peut-être parce qu'il n'y a pas d'alchimie particulière entre les acteurs. En revanche, la relation entre Ivy et Derek était passionnante à suivre, faite d'allers et de retours incessants mais pas lassants. Là, il y a une alchimie. Là, il se passe définitivement quelque chose de puissant. Les choses se sont un peu gâtées sur la fin, soyons francs. Faire coucher Ivy avec Dev était too much et faisait, pour le coup, soap opera un peu bas de gamme. Au final cette dimension de la série ne m'a pas dérangé, au contraire. Mais elle aurait pu être mieux maîtrisée et se faire plus subtile parfois.
Last but not least, du coté des morceaux et des chorégraphies, on peut dire que l'équipe a réalisé un travail tout à fait incroyable. Bombshell, la comédie musicale, a pris vie sous nos yeux et dans nos oreilles de la plus belle manière qui soit. Qui ne s'est pas surpris à fredonner Let Me Be Your Star pendant sa journée de travail ? Qui ne s'est pas repassé certaines scènes comme le fameux Twentieth Century Fox Mambo ? Et qui n'a pas été ébahi devant le Smash façon Bollywood, qui était totalement gratuit, c'est vrai, mais carrément grandiose ?! Je prie pour que Bombshell voit vraiment le jour à Broadway à terme. Ce serait dommage que tout le travail fourni se limite à la série. Ce qui a davantage laissé à désirer, c'est cette régle d'une chanson contemporaine et populaire par épisode. Les choix n'étaient pas toujours judicieux, les interprétations rarement à la hauteur des versions originales et les prétextes la plupart du temps complètement bidons ! Mais pour des raisons purement marketing et en sachant que Glee est passée par là, je comprends tout à fait la manoeuvre. J'espère cependant qu'elle sera moins systématique en saison 2, d'autant que Smash n'a pas affolé les charts digitaux. Question de public...
// Bilan // Réussite musicale et visuelle totale, Smash a quelques progrès à faire du coté de ses scénarios, trop souvent centrés sur des affaires de coeur banales. Tout est réuni pourtant, des personnages à leur interprètes, pour en faire une très grande série. En se débarrassant de la créatrice et en faisant appel à l'ancien showrunner de Gossip Girl, NBC n'envoie-t-elle cependant pas le mauvais message au public pour la saison 2 ? Il semblerait bien que les problèmes ne font que commencer... Si Smash parvient à rester bien meilleure que Glee, ce sera toutefois déjà une satisfaction. Et elle a une très confortable avance !