Hit & Miss [Mini-Série]
6 épisodes // Crée par Paul Abbott (Shameless, State Of Play, Exile). Avec Chloë Sevigny (Big Love, Boys Don't Cry, American Psycho, Melinda et Melinda...), Jonas Armstrong (Robin Bood, Prisoners Wives), Karla Crome (Misfits), Vincent Regan (Mistresses), Peter Wight, Reece Noi, Jorden Bennie...
Mia est une tueuse à gages avec un très lourd secret : transsexuelle, elle découvre qu'elle a engendré - dans son ancienne vie - un enfant. Elle reçoit un jour une lettre de son ex qui lui annonce qu'elle est en train de mourir d'un cancer et qu'elle a besoin de lui -ou d'elle- pour s'en occuper à sa mort, ainsi que de ses autres enfants. Mia part alors en direction du petit village où ils vivent et y fait des rencontres surprenantes...
Hit & Miss est typiquement le genre de série dont on sait avant même qu'elle ne commence qu'elle a tous les atouts pour plaire à la critique : une actrice principale extrêmement talentueuse qui approche le mainstream sans jamais l'atteindre tout à fait (jusqu'à American Horror Story ?) et qui choisit toujours des rôles difficiles et différents, un créateur anglais très recommendable et un sujet innovant et osé qui aurait pu prêter à la controverse. J'étais moi même persuadé, adorant Chloë Sevigny et appréciant l'idée et l'effort, d'adorer chaque seconde de la série, devenue mini-série tout récemment puisque la chaîne Sky Atlantic n'a mystérieusement pas souhaité la renouveler malgré des audiences correctes et des ventes à l'étranger satisfaisantes (elle a été diffusée sur DirecTV aux Etats-Unis et elle le sera chez nous sur Canal +). Je lui trouve pourtant énormément de défauts, bien plus que je ne l'aurais souhaité, mais je suis quand même globalement convaincu par l'ensemble, séduit par certains pans de l'histoire, très touché par d'autres. C'est juste qu'elle aurait pu être meilleure à mon sens...
D'abord, le nombre d'épisodes ne me satisfait pas : quatres auraient pu suffire, tant certaines scènes sont redondantes et les enjeux peu nombreux. Paradoxalement, dans l'idéal, une douzaine d'épisodes aurait été parfaite, si toutefois certaines intrigues et certains personnages avaient été plus approfondis et si l'univers global de la série avait été élargi. L'un des défauts de Hit & Miss est justement son rythme étrange et son manque d'ambitions scénaristiques, en totale contradiction avec son sujet qui lui l'est, ambitieux. J'avais par moment l'impression d'assister à une juxtaposition de scènes qui avaient certes un lien les unes avec les autres mais qui étaient toujours trop courtes, peu dialoguées voire pas dialoguées du tout et qui se ressemblaient, parfois à s'y méprendre. Comme si l'auteur n'allait jamais au bout des choses et n'avait finalement pas grand chose à raconter. Cela ne retire en rien l'émotion qui peut se dégager de nombre d'entre elles. Quant à la mise en scène, très contemplative, elle est absolument parfaite de bout en bout, que ce soit lors des passages fortement appuyés par la musique, permettant de souligner la beauté des paysages de la campagne anglaise et de leur mélancolie inhérente, ou de ceux qui font la part belle à la danse, les seuls respirant d'ailleurs une certaine joie de vivre, même furtive, et une cohésion familiale retrouvée, même superficielle. Parmi les instants qui m'ont le plus touché, il y a ceux où la petite Leonie parlait à sa mère comme si elle était toujours vivante; ceux où Riley abîmait son corps afin d'exprimer sa douleur autrement que par des mots; celui où Ryan se déguisait en fille, exprimant son trouble ressenti face à ce père qui ne semblait pas être un homme; et puis bien évidemment tous ceux dévoilant l'intimité de notre héroïne, seule face à son miroir, torturée. Des scènes souvent étranges, symboliques, qui se comprennent au fur et à mesure de la saison, notamment lors du dernier épisode lorsque l'on rencontre un peu trop tard sa famille, surtout son frère et sa mère. S'il étaient arrivés un ou deux épisodes plus tôt, on serait moins facilement tombé dans la routine et dans l'ennui...
Mia étant une tueuse à gages, elle est régulièrement amenée à tuer et se transforme dans ces moments-là en une machine de guerre, froide et précise. Là encore, les premières scènes de ce type sont assez impressionnantes, bien qu'assez classiques dans leur mise en oeuvre; puis on s'en lasse rapidement car chaque nouveau carnage ressemble au précédent. Bien sûr, ils ont une importance dans le récit et ils en disent long sur le personnage et sur son rapport à la vie et à la mort mais j'aurais aimé que l'on bascule dans le thriller de temps à autres, que les deux mondes dans lesquels Mia évolue se rejoignent plus souvent et autrement que par la présence d'abord bienveillante puis pesante d'Eddie et celle plus tardive et mal exploitée de Levi. De tous les enfants, c'est sans doute à lui que le scénariste a finalement prêté le moins d'attention. Il n'a jamais vraiment réussi à évoluer au fil des épisodes, restant ce gamin rebelle et irritant, là où sa soeur, Riley, a elle avancé dans son rapport avec Mia tout en s'enfonçant toujours un peu plus dans son rapport avec elle-même. John, son amant, manquait clairement de dimension tant il n'a été qu'une pourriture du début à sa fin, aussi bien avec Mia, qu'avec Riley ou sa propre femme. J'ai toujours beaucoup de mal avec ce type de "monstres" du quotidien, dont on ne perçoit pas une once d'humanité. Ils ne paraissent pas réels. Ou alors je suis trop naïf et idéaliste pour accepter cette réalité... Toujours est-il que Hit & Miss a parfois manqué de nuances et de subtilités non pas dans la description de ses personnages mais dans le développement de ses intrigues. Tout s'est fait de manière relativement mécanique. La qualité exceptionnelle de la distribution a cependant permis de faire oublier les faiblesses d'écriture.
Mais la série a également tenté, en plus de tout le reste, d'imposer une histoire d'amour -il en fallait bien une- forcément atypique. Et elle a plutôt réussi même si les surprises n'ont pas tellement été au rendez-vous. Tout s'est passé plus ou moins comme on l'imaginait, à part peut-être le dernier obstacle, lorsque Ben va voir ailleurs et que Mia s'en rend compte alors qu'ils n'étaient techniquement plus ensemble. Mais cela ne reste pas d'une grande originalité. Les scènes d'amour étaient peut-être un peu trop pudiques à mon goût aussi. Je trouve que cette réserve ne colle pas forcément avec le propos et surtout pas avec le reste de la série, qui n'hésite pas à "montrer" plutôt qu'à "dire". Les rapports entre Riley et John étaient très crus par exemple. Les scènes solitaires de Mia aussi. Pourquoi pas celles-là ? Elles méritaient autant si ce n'est plus d'attention, de force et de soucis du détail. Le parcours de Ben était en tout cas très touchant et Jonas Armstrong, que je ne connaissais pas vraiment, m'a beaucoup plu. Il avait une bonne alchimie avec Chloë Sevigny. Je ne sais pas s'il a l'intention de faire carrière outre-Atlantique, mais je lui prédis beaucoup de succès s'il se lance ! Hit & Miss lui aura peut-être permis de se faire remarquer...
// Bilan // Portée par une Chloë Sevigny impeccable, qui parvient sans mal à entrer dans la peau d'un transsexuelle et d'une tueuse à gages et à faire passer tout un tas de sentiments contradictoires, Hit & Miss est une oeuvre audacieuse, originale, extrêmement soignée sur la forme et bouleversante sur le fond, mais malgré tout perfectible. Les épisodes se suivent et se ressemblent trop. Certaines bonnes idées ne sont pas exploitées à leur plein potentiel, d'autres arrivent trop tard. Et puis il y a ce cliffhanger de fin de saison, qui ne connaîtra jamais de résolution car la série n'a pas été renouvelée. Comme certaines de ses intrigues, elle laisse donc un goût d'inachevé. Ce que je vais dire va probablement déplaire mais je vais quand même oser : elle aurait certainement été plus réussie si elle avait été américaine. Pas nécessairement plus riche, car elle l'est déjà très, mais plus rythmée, plus équilibrée... ce qu'elle a perdu en efficacité, elle l'a toutefois sans doute gagné en justesse et en authenticité. Hit & Miss will be missed.